vendredi 31 octobre 2008

Ouzbekistan acte 4



Dimanche, ruee sur Samarkand, asile temporaire de l illustre Omar Khayyam.

Arrivee a Tashkent a 14h10. Negociation rapide et efficace avec un taxi qui nous emmene au point de rendez vous de tous les voyageurs du pays qui souhaitent economiser leurs precieux Soums: la gare de Sabir-Lahimof ou s organise un monstrueux covoiturage national. Nous y parvenons bientot et trouvons un chauffeur apres cinq minutes de palabres desordonnees en anglo-ruso-ouzbek au coeur d une foule compacte, rageuse et incomprehensible... Nous nous installons dans la voiture et attendons le dernier co-voyageur. Nous sommes deja 4 avec le chauffeur. Peu de temps apres, un ouzbek puissant et affable me demande tranquillement de lui faire de la place. Il s installe avec son fils d environ 7 ans sur les genoux... Notre voyage de 281 km jusqu a Samarkand s effectuera donc a 6 dans la petite coreenne a moteur a gaz (comme la plupart des transports ici, l Ouzbekistan etant un producteur important de gaz naturel)
Le depart est a peine prononce que deja nous regrettons ce moyen de transport tres economique (20 dollars). Dans le premier virage le chauffeur lache le volant, fait une priere paienne et accelere pour rentabiliser sa journee. Je le soupconne de faire 2 ou 3 fois l aller-retour par jour.
Notre conducteur aime la vitesse et aime eprouver son destrier moderne. Il doit connaitre l'histoire de son pays et la fait sienne. Il charge comme a pu le faire, 15 siecles plus tot, Alexandre le Grand. Samarkand est deja notre... Notre inconfort spartiate ainsi que notre peur visible et audible le confortent et le font sourire.
Il est conquerant, temeraire et ne s offusque pas du surpoid dans le vehicule qui le fait devier a chaque virage trop serre. La surcharge lui donne meme des ailes plombees, le fait courrir ventre a terre sur le bitume defonce d une nationale qui n est qu un enorme nid-de-poule...
L epreuve dure 3 heures. Le paysage est mediterraneen au sortir de Tashkent et me rappelle une antecedante traversee d Espagne. Peu de depaysement.
Apres 2heures de route les plaines et collines symboliques des paysages mongoles font leur apparition sous nos roues. Le tableau est mou, mouvant, ocre, vide de vegetation; fascinant.



Samarkand:

Nous arrivons directement sur la grande place de la ville, le Registan, symbole dantesque de l architecture coranique ouzbek du 15eme siecle.
Trois batiments oblongs se font face sur trois cotes d une grande place carree. Tous dotes d une titanesque porte mosaiquee (Iwan), a droite comme a gauche ils sont dote de deux minarets elances disposes symetriquement autour de la porte centrale pendant que celui qui nous fait face est surmonte sur sa gauche d un dome d un bleu turquoise imaginaire.
Le tout est sublime, indicible. L impression qui me gagne transcende ma raison, regardant les trois harmonieuses portes se devetir de leurs secrets esthetiques je sens monter du fond de moi un sentiment de bonheur solennel. Les coups d oeil et de passion nous suffisent pour ce soir et allons chercher un hotel. Nous le trouvons 500 metres plus loin, dans une rue sans bitume. Le proprio est un Ouzbek rustre mais jovial, chaleureux. De la terrasse de notre chambre nous apercevons la silhouette incandescente des mosquees surplombant la ville de leurs interminables et gracieux minarets.
Diner delicieux dans une taverne locale particulierement animee. Un mariage est celebre un peu plus loin, dans un restaurant occidental. La musique couvre nos paroles, les invites sont legions, les femmes portent des habits d or et de rubis et me font penser a ces chameaux couverts de piastres d or que l on exhibait au cours de ces memes noces il y a 2 siecles...
Le mariage semble tres europeanise. La blanche mariee a la peau cuivree.
















mercredi 29 octobre 2008

Entracte



Voila, mon salon s est equipe d un tapis anti tache de vin. (bien plus efficace que le beige precedent...)
Avis donc aux amateurs desireux d etre les prochains a vouloir en profiter.

lundi 27 octobre 2008

Ouzbekistan, suite (2)



Vendredi 2 Aout: Mer d Aral, Port de Mouinaku:

Nous sommes sur la rive de ce qui fut un littoral inmmensemment riche. Desormais pratiquement tarie, la mer etait vitale pour Mouinaku, port legendaire pour ses peches miraculeuses il y a encore quelques decennies, ainsi que pour des centaines d autres plus petits villages pecheurs ici en Ouzbekistan ainsi qu en face, au Kazakstan. Dorenavant isolees et sans ressource, les menages ont eclates. Pour subvenir aux besoins de leurs familles, les hommes ont dû emmigrer vers le Kazakstan, actuellement en pleine croissance economique, ou en Coree ou l'industrie automobile compte beaucoup sur le marche d'Asie Centrale.
Face a nous, jusqu a l invisible horizon, se dresse un desert pestilentiel. Entre lui et nous une rangee de bateaux abandonnes a meme le sable, laves de toute peinture par le sel evoluant avec le vent, semble attendre ici un improbable retour des eaux. Leur interminable attente s est cependant changee en agonie. Leur deliquescence physique les fait meme passer pour morts...
Ils ne sont desormais plus que l effrayant symbole de la folie communiste stalinienne.
Nous parcourons ce cimetiere nous brulant les pieds sur un sable desseche et incandescent, ecrasant des restes de coquillages blanchis par l indomptable soleil. La temperature est etouffante, le cadre est exsangue, l atmosphere est morbide.
La colere, l ebahissement, la terreur, se melent a ma jouissance ephemere. Je veux m abreuver de ce lieu mais je suis au coeur d une source empoisonnee. Miyuki tourne de l oeil. La prise de contact fut trop brusque, trop pleine, trop inique.
Nous decidons de repartir rapidement, abandonnant l idee de loger et meme de visiter ce village moribond. Nous voulons courir retrouver le confort amnesique de notre hotel.

Samedi: Musee des beaux-art Stavisky de Nukus. Collection impressionnante. L avant-garde Russe y est tres presente ( Echeistov, Le Dantu... ). Nous devons etre quatre visiteurs en tout.



Dimanche: Ce matin nous prenons l avion pour retourner a Tashkent a 11h45. C est un vol domestique, les controles de securites devraient donc etre moins long que lorsque l on sort ou rentre dans le pays (2 ou 3h a perdre selon l affluence). Nous arriverons donc seulement 30 min en avance pour l enregistrement.
A 8hoo nous degustons notre petit dejeuner ouzbec sur la terrasse ombragee du Jipek-Joli, notre hotel. Un repas principalement compose de pain (5 sortes differentes) et de the vert ouzbek, aigre mais desalterant. Miyuki fait rechauffer le curry en sachet 7/11 qu'elle a apporte de Tokyo. Nous finissons peu apres 9 heures, discutons avec le staff de l hotel puis partons visiter le bazar.
Jusqu a present je me demandais constamment ou se trouvait la population de cette eparse ville. Outre l avenue principale empruntee prealablement, les passages adjacents ne se comblaient jamais de presences villageoises rassurantes. Ces rues subtanciellement vides m'intriguaient beaucoup. Notre excurion matutinale fut revelatrice.
En nous approchant du bazar la concentration automobile se densifie. Les passants redoublent. La surprise est totale en arrivant devant les grilles du souk. Des milliers de personnes se pressent devant des centaines d etals de toutes sortes. Les marchands d ampoules, d epices, de vetements, de cordes, de copies de dvd de films russes improbables, de seaux, de fruits inconnus, de viandes depecees dans l instant, de the, de reves, se succedent et s'enchevetrent dans les plus belles arabesques bigarrees. Tout se vend et s achete ici, dans ce marche ouvert chaque jour. En effet, ici il n y a pas d entreprise, pas de societe, pas d homme d affaires en costume trois pieces. Le secteur tertiaire est ici un fantasme d economiste eleve aux reves occidentaux. C est l'Ouzbekistan. Le negoce est le moteur economique du pays. Tout le monde est donc toujours planque au bazar, recherchant de quoi s equiper ou de quoi fournir les paysans de villages plus recules.
Nous parcourons ce dedale serpentin enjoues par l entour. Nous n achetons rien, les plaisirs sensoriels sont notre satisfaction.
Retour a l hotel, court entretien avec le personnel anglophone de l hotel, echange de mails et de promesses illusoires, photos souvenirs et depart pour l aeroport.
Dans l avion, rien si ce n est l incessant ronflement des militaires lourdement armes a l arriere de l appareil, constante pour tous les vols internes...





















samedi 25 octobre 2008

Ouzbekistan, suite. Extraits de mon carnet de voyage



2ème jour, mer d'Aral:

Depart pour l ouest ouzbek, nous allons a la recherche de la plus grande catastrophe ecologique mondiale, le site desole de la mer d'Aral, tarie et oubliee. Nous avons decide de gagner Nukus puis prevoyons ensuite de rejoindre la region d'Aral en taxi, un trajet de quelques 200 km

Une heure trente depuis le décollage de Tashkent dans cet infernal coucou. Nous volons dans de filandreux nuages sans ombre qui nous rendent le paysage plus fantomatique qu'il ne doit l être. Le sol est jonche de plaques de sel étincelantes, abandonnées ici et la par une ultime marée. Le sol vu du ciel est ocre et brun clair. Les lacs de sel sont titanesques et noient la ligne d horizon sous un nacre pernicieux. Quelques routes transpercent le désert d une rectitude machinale et infinie. Les bateaux ou habitations tant recherchées sont invisible même pour le zoom de l appareil photo. Quelques taches sombres, mystérieuses parcellent le sol désole.
Plus nous avançons et plus le sel devient indivisible du paysage gangrené. Les plaques couvrent désormais environ 70% de mon espace visuel.
Un désert de sel oublie au sein d'un désert de sable, le blanc vénéneux au coeur du beige stérile, une vision horrible d'un paysage monstrueusement inoubliable.
Nous nous écartons de cette mer fantôme, nous reprenons le cap de Nukus ou nous devrons trouver un taxi assez intéressé pour nous accompagne dans un périple désertique de 400km...

Nukus:

Nous trouvons rapidement un taxi a l aéroport. Une cinquantaine bien tassée, tout en rides profondes comme creusées au couteau, les ray-ban bien ancrées sur un nez ébène. Il nous emmène dans un petit hôtel ou un jeune réceptionniste a la peau brûlée et a l'hospitalité débordante et ambitieuse, nous offre une chambre qui n a d'incroyable que le prix.
Il parle anglais.
Un déjeuner lestement avale et nous voici sur l énorme route qui doit nous emmener jusqu'à l'objet d'un de mes rêves orientaux.
Le ciel d'un bleu sable s'accompagne d un soleil féroce qui nous corrode désagréablement. La population locale, habituée, ne s en soucis pas et vaque allègrement a ses occupations mercantiles sous 45 brûlants degrés...
La route, réplique sureelle de celle décrite dans "Kim" par Kipling, relie Nukus a Mouinaku quelques 200 km plus loin. Entre ces deux villes un vide urbain et un océan de sable. Elle n en est cependant pas moins vivante, bouillonnante, mais aussi malsaine pour tout étranger a la peau trop sensible. Les Lada recouvrent le bitume de leurs ostentatoires décennies quand nous offrons aux autochtones la vision de notre taxi bourgeois, une Nexia. Les camions russes, les Moskvitch defoncees, les motos, les vélos, les piétons, tout le monde se mélange dans un bel imbroglio et participe aux fecondes vibrations de l avenue.
Au sortir de Nukus la route est longiligne comme dans un road movie texan, infinie comme le désert qui nous entoure. Elle est néanmoins bordée d'une nature éparse, principalement composée d'arbustes verts ou fauves, et de quelques arbres porteurs d ombres salvatrices pour les âmes errantes sur cette infernal chemin suite au pannes repetees de leurs bolides soviets.
Triste ersatz de l'ancienne route de la soie, nous ne croisons que deux grandes bifurcations prête a nous conduire vers d autre destinations de rêve: Une pour le splendide Kazakstan, une pour la mysterieuse Russie.
Plus tard c est une simple et seule ligne de chemin de fer que nous rencontrons. C est d après notre chauffeur l unique ligne du pays, directe pour Tashkent quelques 2500 km plus loin.
Deux heures et demie de route a 120km/h sur une chaussée défoncée, entourée de poteaux électriques en forme de croix, de crucifix, nous avons la sinistre impression d être accompagné dans ce sibyllin odyssée par la desolation et la mort.
Nous arrivons a Mouinaku, ancien port de la mer d'Aral, a 14h30 sous un soleil dévorant. Après la courte traversée de cet irréel village quasiment abandonné, nous arrivons en bout de route au vieux port désolé qui n est désormais plus rien d autre que la fin d 'un monde.
Nous escaladons une dernière colline et la s offre a nous le terrifiant panoramique d un impossible paysage crée par l'homme... (a suivre)



















vendredi 24 octobre 2008

Vacances d ete: Part1, l'Ouzbekistan



La pluie automnale et ses inéluctables nuages froids et cendres ont échu sur Tokyo en début de semaine. L'air s est humidifie et les températures commencent a pâlir. L irrémédiable avancée vers un hiver obscur et austère excite ma mélancolie d un été oriental que nous passâmes, Miyuki et moi, affable, coloré et inoubliable.
Ce voyage qui nous conduisit en Ouzbekistan, Grece et Turquie (Istanbul) nous ouvrit les portes de découvertes culturelles que les belligérants de la troisième guerre mondiale qu'est le Tourisme (cf Michel Serres), ne furent pas en mesure de nous empêcher de gouter.
En effet l'Ouzbékistan, par exemple, est peu assailli de villégiateurs avides, en mal de T-shirt "Université de Nukus", de porte-clés de l'Observatoire d'Ulugh Beg ou de magnet représentant le riche Mausolée de Gour-Emir...
Cependant, Tashkent accueille un lot de visiteurs grandissant que son statut de capitale géographique, économique et politique du pays, et meme de l'asie centrale, encourage allègrement. C est d ailleurs peut être pour cela que nous n y restâmes que quelques dizaines d heures. La ville n a en effet que peut de charme. Outre un marché (commun a chaque ville ou village dans tout le pays) habité d une foule infinie, parcourue d odeurs acres et pénétrantes, mordoré de couleurs indéfectiblement vives et chantantes, outre une architecture soviétique surréaliste et la capacité a engendrer des hommes doués d une bonté et d un manque de tempérance sans égal, cette ville ne représente qu un intérêt mesuré pour le visiteur a la recherche entre autres, comme nous le fumes, des déserts salés du Karakalpakistan ou encore de l Islam historique qui empreignit tant la culture de la Grande Perse de jadis de splendeurs intellectuelles et architecturales.
Notre arrivée a Tashkent le 1er Août se fit donc dans un mélange d exaltation exotique et de légere déception urbaine. La ville est en fait un immense terrain vague, parsemé ci et la d immeubles soviets érigés chaotiquement et souvent inachevés, découpés par 5 grandes avenues de 6 voies chacune, passablement sillonnées par des voitures surannées majoritairement issues de l industrie automobile russe. Dans les quartiers intérieurs bordés par ces abrutissantes avenues, les rues sont de terre et d'asphalte, les maisons souvent laissées incomplètes ou même a l abandon, les commerces pratiquement inexistants et l air inhalé saturé de sable; un sable qui ainsi recouvre la ville et empêche le ciel azur de s épancher sur les habitants. L atmosphère est blafarde, morne, inconsistante mais la chaleur humaine dégagée par ces ouzbeks si bonhommes et souriants est telle que la vie semble y être faste et heureuse.
Une courte nuit passé dans un premier hotel trop luxueux pour nous et nous partions aux aurores a destination de Nukus, la capitale du Karakalpakistan, dans l Ouest sauvage ouzbek...